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Avatar, vers une nouvelle révolution technologique ?

Pour le premier focus de notre newsletter, nous revenons sur la franchise Avatar et en particulier sur ses effets numériques. Lorsque le premier opus de James Cameron est sorti en 2009, il a été la vitrine de plusieurs percées technologiques et artistiques en matière de capture de performance, de caméras virtuelles et d’images de synthèse en 3D et stéréoscopie. Treize ans plus tard, Avatar : La Voie de l'eau va encore plus loin dans sa proposition portée par l'une des plus grandes innovations du film : l'eau numérique.

Le studio Wētā FX a réussi l’exploit de refléter de nombreux types d'eau de synthèse. Jamais vagues, récifs, courants sous-marins, bulles, mousse n’ont paru aussi réels. Autre révolution : il est désormais possible de capturer les acteurs sous l'eau grâce à une caméra inventée pour l’occasion. Toujours bien entouré par Joe Letteri (le créateur de Gollum et du King Kong de Peter Jackson) et par Richard Baneham, James Cameron continue de laisser sa marque dans le cinéma de divertissement.

Interview de Pascal Pinteau, expert en effets spéciaux

Nous avons choisi de discuter des récentes avancées technologiques et des VFX du dernier long métrage du papa d’Aliens et de Terminator avec l'expert des effets visuels Pascal Pinteau. Son ouvrage Effets spéciaux : Deux siècles d'histoire est une bible à posséder dans sa bibliothèque quand on est cinéphile et fan de science-fiction. Pascal Pinteau a notamment rencontré les équipes techniques qui ont travaillé sur Avatar. Il nous avait offert une masterclass sonore passionnante en hommage à Douglas Trumbull.

Comment situez-vous l’importance de James Cameron dans l’histoire des effets spéciaux ?

C’est surtout son impact sur les équipes des effets visuels qui est le plus saisissant avec Cameron. Il a toujours encouragé les gens à aller au-delà de ce qui était considéré comme possible à faire.

Cela a été le cas pour Aliens, où il a poussé plus loin l'utilisation des rétroprojections pour avoir un rendu numérique qui fonctionne encore aujourd’hui. Il y a aussi eu Abyss avec les simulations d'eau réalisées par ILM. Terminator fut le premier film mixé et étalonné en numérique. Titanic était évidemment à la pointe de tout ce que l’on pouvait faire à l’époque, en mélangeant maquettes et effets spéciaux.

Il y a eu ensuite le bond en avant avec Avatar et toute cette technique numérique qui a réussi à pousser encore plus loin ce que Peter Jackson avait déjà fait autour de la performance capture de Gollum dans la trilogie du Seigneur des anneaux.

Comment les studios de post-production Wētā FX et l’équipe de Lightstorm Entertainment ont-ils travaillé pour obtenir ce rendu ?

Devant les films Avatar, on oublie très rapidement que l’on regarde une planète, une faune et une flore imaginaires. L’eau est incroyablement réaliste.

James Cameron a adopté une démarche de géologue, d'observateur de la faune marine et terrestre, de botaniste. Il a tenu compte d’absolument tout ce qui fait qu'un milieu imaginaire puisse être réaliste.

Le concept d'intelligence de la forêt, qui a récemment été exploré dans certains documentaires, a été répliqué numériquement dans les logiciels de Wētā FX pour parvenir à ce degré de réalisme. 

Racontez-nous cette percée technologique et sa conception.

Avec Avatar : La Voie de l’eau, James Cameron n’a jamais été aussi proche d’un de ses mantras : la technique au service de la narration. Cela est principalement dû aux captures aquatiques et aux scènes sous-marines.

Les équipes de Lightstorm ont construit un réservoir d’eau hors-norme, pouvant contenir 100 millions de mètres cubes d'eau, afin de réaliser la performance capture sous-marine.

L’eau est l’un des éléments les plus difficiles à restituer en images de synthèse. La gestion de l’eau est déjà très compliquée en soi, mais si on ajoute des personnages ou animaux interagissant avec celle-ci, cela fait encore plus de chaos à gérer. C’est un cauchemar de complexité que Wētā FX maîtrise désormais à la perfection.

Il fallait pouvoir avoir à la fois des caméras infrarouges plus sensibles et surtout régler ce fameux problème de surface de l'eau qui ne fonctionnait pas. La solution est venue en plaçant des petites billes à la surface de l'eau, donnant un reflet mat et non brillant à l’eau.

En plus de cela, on devait descendre à une profondeur de 8 mètres pour que le système fonctionne parfaitement, obligeant les acteurs et équipes de tournage à jouer en apnée.

Pouvez-vous revenir sur le tournage en Nouvelle-Zélande et notamment le travail du directeur de la photographie Russell Carpenter pour intégrer les prises de vues réelles à l’univers artificiel de Pandora ?

À force de se perdre dans l’océan des Metkayinas, on se demande quelle est la part de prises de vues réelles comparée à ce qui a été réalisé en post-production. Les images réelles du film, utilisant de vrais décors, se situent dans le bateau des mercenaires terriens et dans les laboratoires. Cette partie a été tournée en Nouvelle-Zélande.

Pendant qu'on réalise les scènes avec les comédiens en chair et en os dans les différents décors, les acteurs qui jouent les Na'vis sont sur le plateau de performance capture. Cameron donne alors les indications à la fois à ceux qui se sont dans le décor physique et à ceux qui se trouvent sur le plateau. Cela lui permet de voir en même temps sur le moniteur les esquisses des personnages 3D à côté des personnages réels.

Comment les costumes créés par Deborah L. Scott et son équipe ont-ils été élaborés pour ensuite être réalisés numériquement par Wētā FX ?

Dès le premier opus, tout avait été créé physiquement avant d'être numérisé. L'équipe a imaginé tous les bijoux, les coiffures et même les perruques. Il y a une logique évidente dans la façon dont les colliers de perles sont fabriqués. Ils contiennent toujours des matériaux dont on peut expliquer la provenance.

Rien n'est fait gratuitement dans le travail de Wētā FX. Les costumes dans Avatar : La Voie de l'eau sont à base d'éléments qui viennent de la mer pour que l'on remarque que la tribu des pêcheurs utilise ce qu'elle a sous la main pour décorer et faire ses parures.

Comment le procédé de “facial motion capture” fonctionne-t-il et quel impact a-t-il sur le travail habituel des acteurs et des producteurs ?

Depuis le premier Avatar, les acteurs réalisant les “performance captures” jouent avec une caméra uniquement dédiée à la capture de leurs visages. Cela a nécessité du temps pour que tous comprennent comment ce nouveau système fonctionne. La performance tient plus du théâtre, car on doit imaginer constamment des décors qui n’existent pas sous les yeux.

Les comédiens doivent aussi avoir conscience qu’ils sont toujours filmés en gros plan, avec le “risque” que le réalisateur utilise ces plans plus tard. On retombe ainsi sur cette exagération théâtrale où les acteurs ne peuvent pas se permettre de ne pas être expressifs.

Le plus dingue dans tout cela étant que les acteurs devaient conserver ce niveau d’acting tout en faisant de l’apnée à 8 mètres de profondeur.

Comment James Cameron utilise-t-il une caméra virtuelle dans le cadre de son montage ?

James Cameron utilise cette technologie pour réaliser ses prises de vues une fois que les performances des acteurs ont été capturées.

Il faut imaginer que lorsqu’on tourne en capture de performance, il y a trente caméras avec des capteurs infrarouges qui enregistrent une scène dans le système informatique. Ce qui est un peu difficile à appréhender d’un point de vue classique, c’est que chaque séquence est mémorisée sous tous les angles.

Cela permet à James Cameron de retravailler ses plans via sa caméra numérique. Il peut ensuite aller sur le plateau et se faire projeter la scène puis utiliser sa caméra virtuelle et choisir les meilleurs cadrages.

Pouvez-vous revenir avec nous sur le nouvel espace de Disney World, Pandora : The World of Avatar, et principalement sur l’impact du travail des équipes de James Cameron et Jon Landau sur les différentes attractions ?

Les Na’vis semblent être physiquement présents dans la première attraction, The River. On voit l'image des personnages qui se superpose à l'image de la végétation en volume et ressort de telle manière qu'on a l'impression qu'elle bouge dans les décors. Le clou de cette attraction consiste à contempler l'animatronique la plus perfectionnée au monde : une chamane Na’vie grandeur nature. Elle est en position accroupie, en train de taper sur le tambourin tout en chantant. Ce qui est absolument hallucinant, c'est que, quand elle prononce les paroles, on peut lire sur ses lèvres la moindre syllabe. Sa bouche se déforme à chaque son. 
 
La deuxième attraction, quant à elle, nous transfère dans l'esprit d'un Na’vi au moment de se lancer pour la première fois sur un lézard volant et de prendre son envol depuis les rochers flottants. On se retrouve avec notre champ de vision complètement rempli d'une image gigantesque en 3D et en relief, avec le son stéréo. Vous pouvez regarder dans tous les sens, l’immersion est totale. Cet univers est saturé de sens dans toutes les directions. C’est une espèce de trop plein d'émotions. Sigourney Weaver en est sortie avec les larmes aux yeux, c’est dire l’impact que ces effets spéciaux ont sur nous.

Pensez-vous que James Cameron est une sorte de nouveau Méliès par son approche du cinéma ?

Méliès utilisait des trucs et astuces du music-hall et son savoir-faire de prestidigitateur. Il connaissait tous les systèmes de trappes, de poulies venant des machineries du théâtre qu’il a ensuite combinés avec le cinéma.

Il a été capable de faire des trompe-l'œil qui donnaient une sensation d'immensité. Il a presque inventé des décors virtuels avant l'heure sur ce qui était l’un des tout premiers plateaux du cinéma. Il a ce côté génial et magicien.

Il exploitait toutes les techniques en même temps pour créer de la magie uniquement au profit de l'histoire. Peu importe si c'était compliqué à faire, il trouvait toujours une solution, à l’image de James Cameron aujourd’hui.

Peut-on écrire que la franchise Avatar est une révolution dans l’histoire des effets spéciaux ?

Quand on voit Avatar : La Voie de l’eau, on se dit qu'on a franchi énormément d'étapes dans la qualité de restitution en 3D de phénomènes physiques. On se demande où peuvent se trouver des choses à améliorer.

C'est la raison pour laquelle les logiciels changent de film en film. Ils sont refaits et réécrits, perfectionnés parce qu'il y a toujours des processus de simplification à mettre en place. Le futur, ce serait d'aller de plus en plus loin vers la reproduction de la physiologie humaine sur les personnages, et donc de se rapprocher de la réalité anatomique.

Pour poursuivre l’exploration de l’univers d’Avatar

Les Secrets du monde d’Avatar sur Disney+ 

Entre le film promotionnel et le making-of, la plateforme Disney+ a mis en ligne le documentaire Les Secrets du monde d’Avatar. Les curieux pourront y retrouver des nombreuses images du tournage, comme les acteurs barbotant dans l'énorme réservoir des studios de Manhattan Beach pouvant contenir jusqu’à 100 millions de mètres cubes d’eau.

L’intérêt de ce 38-minutes réside surtout dans la possibilité d’écouter James Cameron. On y découvre de nombreuses anecdotes assez amusantes sur les coulisses de création du blockbuster. Dommage que le petit film de Dave Hoffman soit phagocyté par des témoignages de comédiens respirant plus la promotion que l’analyse, ainsi que par l’omniprésence d’une voix off superlative. 

Avatar 2 : après la 3D, une nouvelle révolution controversée sur YouTube 

Après avoir fait une excellente vidéo pour expliquer pourquoi Avatar avait changé le cinéma, la chaîne YouTube du média Écran Large a encore frappé. Antoine Desrues, qui était venu parler dans notre podcast de la série Obi-Wan Kenobi, revient en 13 minutes sur la fameuse HFR de James Cameron.

Avec beaucoup d’humour et de pédagogie, le journaliste cinéma relate l’histoire de la technologie High Frame Rate et de ses 48 images par seconde (contre 24 depuis le cinéma parlant). Il y explique pourquoi il est encore difficile de faire une transition en HFR, permettant pourtant une fluidité comme jamais dans les blockbusters américains. La vidéo en profite pour revenir sur Le Hobbit et Un jour dans la vie de Billy Lynn