Extraits de l’entretien avec Brian Herbert
Par Lloyd Chéry
Gardien du temple, Brian Herbert prolonge depuis une vingtaine d’années l’œuvre familiale à travers ses romans. Affable et passionné, celui qui n’avait pas hésité à révéler toutes les facettes de son géniteur, dans la biographie Dreamer of Dune, parue en 2003, revient sur sa relation avec ses parents, mais aussi sur cette saga si difficile à prolonger.
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Lloyd Chéry : Racontez-nous la toute première fois que vous avez entendu parler de Dune à la maison.
Brian Herbert : C’était en 1962. Nous vivions dans un quartier pauvre de San Francisco. Mon père travaillait depuis quelques années sur ce projet. Il était assis dans la salle à manger de l’appartement à côté de ma mère Beverly. Il lui narrait la scène du gom jabbar. À l’époque, c’était elle qui faisait vivre la famille. Elle a été un soutien de tous les instants pour mon père. Elle avait elle aussi des talents d’écriture et elle relisait tous ses romans.
Lloyd Chéry : Justement, on oublie souvent le rôle de votre mère Beverly. Avez-vous des anecdotes concernant des choix narratifs ou des conseils qu’elle aurait prodigués à Frank Herbert ?
Brian Herbert : Bien sûr ! C’est même elle qui a trouvé le titre « Dune ». Elle conseillait mon père sur la psychologie féminine de ses personnages en lui disant : « Une femme ne pense pas comme ça » (rire). Elle était incroyable.
Un jour que mon père était interviewé par Jim French, un animateur de radio de Seattle assez connu, au début des années 1980, le producteur de l’émission lui a dit avant que l’interview commence : « Ne pose pas de questions stupides et interroge-le plutôt sur l’importance de Beverly dans son œuvre. » Ce qu’il fit, pour le plus grand plaisir de mon père. Il ne s’était pas trompé, ma mère a été extrêmement importante pour la création de l’univers de Dune.
Lloyd Chéry : Votre biographie fait allusion au côté sombre de la personnalité de votre père. Aviez-vous l’intention de le dépeindre tel qu’il était vraiment – une personne ordinaire avec ses qualités et ses défauts ?
Brian Herbert : Il n’avait pas de côté sombre, il était humain. Il ne faut pas oublier qu’il a eu une enfance et une relation compliquée avec ses propres parents. La discipline que son père policier instaurait à la maison était dure et ce ne fut pas toujours rose.
Il a été enfant dans les années 1930, pendant la Grande Dépression. Je crois qu’il a fait sincèrement ce qu’il pouvait. Nous sommes des produits de notre époque. Je lui ai pardonné pour tout qui ne s’était pas bien passé. Si on regarde dans son intégralité sa bibliographie, mon père aimait analyser l’être humain.
Lloyd Chéry : Comment expliquez-vous que Dune reste aussi iconique et inoubliable ?
Brian Herbert : Le roman a su capter son époque dans les années 1960 avec l’épice. Il a d’abord séduit les étudiants des campus américains. Mais Dune est avant tout un grand livre écologiste qui parle de la raréfaction des ressources, dont l’eau.
C’est aussi un formidable roman d’aventures centré sur Paul Atréides et son chemin initiatique, qui suit très fidèlement le parcours imaginé par Joseph Campbell. On peut tout autant lire Dune pour ce qu’il dit sur la politique et sur la religion. Enfin, Dune ne cesse d’évoquer la cause des femmes et comment elles finissent par diriger l’univers. C’est pour toutes ces raisons que ce roman restera un classique.