Hommage à Leiji Matsumoto, samouraï de l’Éternité

Il était imperturbable et généreux. Avec son éternel bonnet noir pour empêcher ses cheveux blancs de le gêner quand il travaillait sur ses planches, Leiji Matsumoto dégageait une vitalité à toute épreuve.

 

Leiji Matsumoto

1938 - 2023

 

« J’ai décidé d’ajouter une petite tête de mort de pirate à mon bonnet que j’ai coloriée en rouge pour signifier que je suis toujours vivant », racontait-il lors de notre première rencontre en 2019 aux Monaco Anime Game International Conferences. L’immense mangaka a rejoint la nuit d’or à 85 ans.

Le grand public connaissait mieux Albator, le commandant balafré du Death Shadow (alias Captain Harlock au pays du Soleil-Levant) que son créateur.

Né en 1938 sur l’île de Kyûshû, Akira Matsumoto souhaitait devenir aviateur comme son père. Une sévère myopie empêcha ce rêve mais décupla son amour pour les avions et les vaisseaux spatiaux. Connu pour sa ténacité, le mangaka décida de changer de prénom.

 

Visuel d’Albator, le héros principal de la série Albator, Corsaire de l'Espace et Albator 84

 

« Je me considère moi-même comme un guerrier, la preuve j’ai changé mon prénom en Leiji, ce qui veut dire avec les idéogrammes : Samouraï de l’Éternité. »

 

Après avoir commencé ses aventures d’auteur dans le manga pour jeunes filles (shôjo manga), il s’est tourné vers la science-fiction en 1968 avec Sexaroid. Ce récit adulte lui a permis d’affiner son style graphique qui deviendra inimitable, avec ses personnages féminins aux belles chevelures.

 
 

« Les cheveux longs de mes héroïnes étaient très utiles pour esquiver la censure quand je voulais les dessiner nues. »

 

Couverture du tome 1 de Sexaroid.

 

Couverture du tome 1 de Galaxy Express 999.

 

Un an plus tard, Albator connaissait sa première aventure dans Dai-Kaizoku Captain Harlock. Il fallut attendre le western Gun Frontier en 1972 pour que Leiji Matsumoto trouve enfin sa formule magique.

Il inventa trois personnages iconiques qu’il réutilisera dans ses scénarios pendant des décennies : une grande femme aux cheveux longs, un jeune homme combatif et taciturne, et un fidèle compagnon à petite taille qui peut porter des lunettes.

Ensuite, il a publié Cosmoship Yamato, dans lequel il développait un univers mêlant space opera, hard science et monde post-apocalyptique. En 1977, il a donné naissance à quatre séries cultes de science-fiction : Captain Albator, Danguard A, Galaxy Express 999 et Queen Emeraldas.

Les bases du Leijiverse, un univers transmédia en avance sur son époque, étaient posées. Presque tous ses récits et ses personnages seraient désormais connectés entre eux.

 

Illustration du Leijiverse

Source inconnue

 

En France, la diffusion du dessin animé Albator 78 en 1980 puis d’Albator 84 sur Antenne 2 (avec Goldorak et Candy) fut un énorme succès générationnel.

Vingt ans après la première apparition à la télévision d’Albator, deux Français débarquèrent dans l’atelier du dessinateur pour lui proposer de mettre en scène un film d’animation sur leur album Discovery. Les Daft Punk firent du mangaka une icône pop.

Alors que notre entrevue touchait à sa fin, Leiji Matsumoto refusa de s’arrêter de parler. Pendant plus de dix minutes, il évoqua ses souvenirs sans faire attention au regard médusé de sa traductrice.

Il nous raconta ses voyages, lorsqu’il nageait dans l’Amazone ou le Nil, son ascension du Machu Picchu, ou encore le jour où, au-dessus du Brésil, le commandant de bord d’un Concorde le laissa un moment aux manettes. Il avait conclu notre entretien par cette phrase : « J’ai eu beaucoup de chance, vous savez. » Nous aussi. 

 

Photographie de Leiji Matsumoto en compagnie des Daft Punk.

 

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