Les actualités autour de la science-fiction en février 2023

 

L’édito

2023, l’année de l’IA ?

« Le Livre de Poche bannit Midjourney pour ses couvertures : “Pas en adéquation avec nos valeurs” ». Le titre de cet excellent article, écrit par notre confrère Marcus Dupont-Besnard dans Numerama, exprime bien les différentes problématiques auxquelles nous sommes confrontés en ce moment concernant l’intelligence artificielle (IA).

Il ne se passe pas une semaine sans que les médias évoquent ChatGPT, Google Bard ou Midjourney, car les IA bouleversent notre société. De la recherche médicale à la production industrielle en passant par les algorithmes de traitement du langage et les réseaux de neurones, elles ont un impact considérable sur de nombreux secteurs. Désormais, elles s'infiltrent dans le monde de l'art et de la création, ouvrant des débats sur la propriété intellectuelle et les questions éditoriales.

Toujours dans Numerama, le concept artist François Baranger est très clair : « Pour qu’une IA génère quelque chose ressemblant à une vision artistique de la cathédrale, il faudra l’avoir abreuvée au préalable du travail d’artistes humains. A partir de cette base de données, elle pourra imiter tel ou tel style, plus ou moins bien. Parfois, face à cet argument, les utilisateurs des IA rétorquent que ces programmes ne font que “s’inspirer” du travail des autres, comme le font les artistes eux-mêmes. Spoiler : non, ces programmes ne s’inspirent pas, ils plagient. »

Certains diront que les créatifs ne doivent pas se sentir menacés. Au contraire, les algorithmes de l'IA peuvent offrir de nouvelles opportunités pour l'expression artistique et la stimulation de l'imagination. Il est cependant indéniable que les implications seront considérables pour l'industrie artistique et les créateurs, qui ont déjà été affaiblis depuis quelques années par le numérique ou la surproduction.

Le secteur de la bande dessinée peut faire figure de cas d’école. Après la prise de position loin d’être anodine du Livre de Poche, on a hâte d’assister à de vrais débats entre acteurs du secteur. Restez à l’écoute de notre podcast : nous en organiserons dans les prochaines semaines.

 

« On n’a pas envie de travailler avec ce type d’iconographies. Ce serait nous tirer une balle dans le pied que de faire appel à ce type de sites. »

Bénédicte Marchand - Le Livre de Poche

 

Les 3 séries de SF que nous attendons en 2023

L’année est déjà bien entamée et on pourrait presque nous accuser d’être un peu en retard… mais cela ne nous empêche pas de vous partager nos attentes pour 2023 ! Depuis une décennie, les séries de science-fiction connaissent un renouveau. De plus en plus de classiques sont adaptés sur le petit écran. Parmi les séries à venir, trois retiennent particulièrement notre attention : Alien, Dune : The Sisterhood, et Le Problème à trois corps.

 

Alien

On ne présente plus Alien qui a marqué les genres de l’horreur et de la science-fiction depuis 1979. Malgré des films cultes, la saga de Ridley Scott connaît un petit passage à vide depuis la sortie de Prometheus en 2012... mais elle pourrait retrouver un nouveau souffle.

Le showrunner Noah Hawley, qui avait fait sensation avec les séries Fargo et Legion, concocte une nouvelle vision de l'univers Alien pour la chaîne FX. L’histoire se déroulerait sur Terre avec des nouveaux personnages et se focaliserait principalement sur l’intelligence artificielle et non sur les xénomorphes. On attend de voir si des robots aussi charismatiques que ceux incarnés par Ian Holm ou Michael Fassbender seront de la partie.

Dune : The Sisterhood

Évidemment, quand il s’agit de Dune, l’objectivité devient une donnée un peu illusoire nous concernant… L’ordre du Bene Gesserit aura sa série sur HBO avec Dune : The Sisterhood. Il s’agit d’une adaptation de La Communauté des sœurs, le livre de Brian Herbert et Kevin J. Anderson. Le fils de Frank Herbert reprend littérairement la série depuis la fin des années 90. Il est d’ailleurs souvent vilipendé par les fans à cause de la qualité de ses romans jugés médiocres.

Ce spin-off se déroulera 10.000 ans avant l’avènement de Paul Atréides et racontera le destin de deux sœurs Harkonnen à l’origine de la création du Bene Gesserit. Sera-t-il possible de détrôner la première mini-série Dune, produite en 2000 sur la chaîne Sci-Fi (renommée SyFy depuis), qui garde une certaine estime des amateurs ?

Le Problème à trois corps

Si vous avez écouté notre podcast, vous connaissez déjà notre impatience. Le Problème à trois corps de Liu Cixin débarquera à la fin d’année sur Netflix. Cette adaptation du roman chinois de science-fiction devrait fait sensation.

David Benioff et D.B. Weiss, les scénaristes de Game of Thrones, sont à la manœuvre. La série devrait offrir une version visuellement époustouflante de cet univers complexe avec un casting international. Liu Cixin nous a confié qu’il était confiant ! En France, Le Problème à trois corps a été vendu à plus de 100.000 exemplaires chez Actes Sud.

 

C’est (vraiment) plus que de la SF…

 

Les prédictions de ChatGPT pour 2023

Etienne de Metz, journaliste chez Usbek & Rica, a longuement discuté avec l'IA de ChatGPT. Son idée ? Lui demander son point de vue sur l'année 2023. Pour l’intelligence artificielle imaginée par OpenAI, la chanson incarnant le mieux cette année sera A New Day Has Come de Céline Dion.

Entre erreurs factuelles (selon ChatGPT, la France aurait gagné la Coupe du monde rugby en 1987 et 1999, ce qui n’est malheureusement pas le cas), langue de bois générique et optimisme, cette discussion s’avère amusante.

L’IA prédit que « les négociations sur le climat et les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre continuent d’être un sujet de préoccupation majeur ». Désormais, on n’attend plus qu’une conversation entre Raymond Kurzweil, le directeur de l’ingénierie de Google, et ChatGPT, afin de vérifier si elle passerait le test de Voight-Kampff.

Toka, l'entreprise qui pirate les caméras de vidéosurveillance de la planète

Il est désormais possible de pirater des caméras de sécurité ou des webcams dans un périmètre donné et d’accéder au flux vidéo en direct. Ce tour de force cyberpunk vient de la compagnie israélienne Toka, fondée en 2018 par l'ancien Premier ministre Ehud Barak et l'ex-chef de la cybersécurité nationale Yaron Rosen.

Il serait également possible de modifier des bandes vidéo passées et de les remplacer. La société a également la capacité d'exploiter la géolocalisation de certaines voitures. À l’avenir, des questions se poseront certainement sur la manipulation de vidéos pour incriminer des citoyens innocents ou protéger des coupables proches du système. Comme un air de Philip K. Dick…

Une société de biotechnologies veut ressusciter le dodo

« L'extinction est un problème colossal auquel le monde est confronté. Et Colossal est l’entreprise qui va le résoudre ». Cette phrase digne d’un mauvais blockbuster a été écrite sur le site internet de Colossal, une entreprise spécialisée dans les biotechnologies. Elle vient d'annoncer l'ajout du dodo à sa liste de projets de désextinction, qui comprenait déjà le mammouth et le tigre de Tasmanie.

Fondé par un généticien de Harvard, la société vise à faire revivre des espèces disparues. Colossal a reçu un financement de 150 millions de dollars de la part d'investisseurs, dont l'entreprise In-Q-Tel, financée par la CIA. La désextinction est présentée comme une solution à la sixième extinction de masse causée par les activités humaines. On attend évidemment les dinosaures à la Jurassic Park pour que ce fantasme prométhéen soit complet. 

 

Nos recommandations des meilleures œuvres de science-fiction en février 2023

 

The Last of Us

La série évènement de ce début d’année ne nous a pas laissés insensibles. The Last of Us de HBO (disponible en France sur Amazon Prime) rencontre un succès critique et public mérité. Porté par un duo de comédiens impressionnant (Pedro Pascal et Bella Ramsey), cette adaptation du jeu vidéo éponyme est convaincante. Elle a l’habileté d’offrir des divergences scénaristiques intéressantes lui permettant de se singulariser.

Dirigée par Neil Druckmann, le co-créateur du jeu, et Craig Mazin, l’auteur et réalisateur de Chernobyl, la série est écrite au cordeau. Malgré de nombreuses qualités, cette itération n’apporte cependant pas autant d’émotion que le jeu vidéo de Naughty Dog, considéré à juste titre comme un chef-d’œuvre.

Il manque cette fameuse sensation liée à l’immersion vidéoludique où un joueur contrôle pendant plusieurs heures la destinée de personnages. La production de HBO est peut-être encore trop proche de sa version d’origine. Mais ne boudons pas notre plaisir ! The Last of Us reste un grand show et on espère d’autres récits dans cet univers post-apocalyptique.

Jung_E

Le cinéma coréen s’attaque au cyberpunk et au space opera ! Maître du genre post-apocalyptique, Yeon Sang-ho, le réalisateur du Dernier Train pour Busan et de Hellbound, vient de sortir Jung_E sur Netflix. Ce long-métrage proche de Ghost in the Shell n’est pas dénué d’intérêt si on aime le genre. La créativité visuelle du film et son univers compensent certaines failles narratives.

Cette fable où l’humanité est en guerre perpétuelle narre l’histoire d’une légendaire combattante dont l’esprit est préservé après sa mort et ramené en permanence à la vie sous la forme d’une cyborg militaire ignorant qu’elle est une IA. Bourré des bonnes idées, ce film d’action ambitieux et généreux pêche à cause de l’imprécision du jeu de certains comédiens ou d’enjeux pas toujours très clairs. Malgré ses imperfections, nous recommandons son visionnage. 

Hi-Fi Rush

Alors qu’on se déchire sur le retour de la licence Harry Potter dans le monde des pixels, il serait dommage de rater Hi-Fi Rush en exclusivité sur le Game Pass de la Xbox. Cette pépite vidéoludique pourrait être un mix entre Jet Set Radio et Ratchet and Clank. Le joueur suit Chai, une « future rockstar » autoproclamée qui possède un bras robotisé et un iPod fusionné à sa poitrine. Le héros s’imprègne du rythme de l'univers mécanique qu’il découvre pour affronter une société maléfique.

On rigole bien dans ce beat them all qui combine des éléments de cyberpunk et des affrontements basés sur le rythme des musiques. Plutôt bien écrit, le scénario qui dénonce les Gafam dispose de quelques bonnes punchlines sur l’IA et l’automatisation. On notera aussi une bande-son de qualité qui réunit Nine Inch Nails ou The Black Keys.

Le système de combat intuitif et complet de Hi-Fi Rush, combiné à sa direction artistique magistrale et à son récit loufoque, en fait un candidat sérieux au titre de jeu de l’année.

 

La Compagnie Rouge

Si vous aimez La Compagnie noire de Glen Cook alors La Compagnie rouge de Simon Treins et Jean-Michel Ponzio est faite pour vous ! Ce space opera militaire publié aux éditions Delcourt réjouira les lecteurs de Traquemort ou de Jack Campbell. Certes, les aventures galactiques de la Compagnie rouge et de ses mercenaires restent assez classiques, mais l’ambiance de l’album est saisissante.

Le dessinateur Jean-Michel Ponzio a créé son univers science-fictif en utilisant le style photo-réaliste pour représenter ses personnages et ses décors. Les scènes dans l’espace sont particulièrement réussies et procurent une belle sensation de vertige. Le design visuel est riche et la colorimétrie numérique ajoute une esthétique entre animation et réalisme. On notera l’efficacité de la couverture qui donne envie de foncer dans l’espace.

Abzalon

Imaginez une histoire d’amour entre une sainte et un tueur psychopathe hideux coincés ensemble dans un vaisseau pendant une centaine d’années. Cette odyssée spatiale écrite par Pierre Bordage, se déroulant en huis clos, narre le voyage de 5000 paysans pacifiques mélangés aux pires prisonniers de la planète Ester. Alors que ces deux communautés sont esclaves des mentalistes (des hommes modifiés par les nanotechnologies), elles vont devoir s’allier et se révolter pour survivre aux manipulations et aux saboteurs.

« Au départ, je voulais partir de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, et me lancer dans un grand cycle de vingt à trente livres, se remémore l’auteur dans Entretiens avec Pierre Bordage de feu Alexandre Sargos. Abzalon était l’épisode de la Genèse, l’arche de Noé spatiale qui transporte les survivants d’un déluge jusqu’à une nouvelle Terre ». Encore trop méconnu du grand public, ce roman réédité par L’Atalante impressionne par son sens de la narration. Portée par un souffle épique, cette ode au vivre-ensemble mêle personnages hauts en couleur et rebondissements en tout genre. Du grand Pierre Bordage. 

 

Nos récents coups de cœur en science-fiction

 

Les Planétaires, intégrale

La fantastique collection Omnibus des éditions Mnémos a encore frappé ! Après Fritz Leiber, Ursula K. Le Guin, Cordwainer Smith ou encore Gérard Klein, l’éditeur remet en avant le génial John Brunner. Il est le premier auteur britannique à avoir reçu le prix Hugo pour Tous à Zanzibar, un chef-d’œuvre écrit en 1968 qui anticipait les années 2010 et le cyberpunk.

Cet auteur important de la New Wave SF est plus connu pour ses dystopies et ses fictions écologistes (Le Troupeau aveugle) que pour ses space operas. Heureusement, il maintenant possible de découvrir ses aventures spatiales dans un pavé de 900 pages. On notera au passage le remarquable travail de Patrick Moran sur cette intégrale qui compile huit romans, dont l’excellent Eclipse totale.

Imaginer Demain

On peut aussi célébrer l’innovation en matière… d’action humanitaire ! Avec l’augmentation des défis environnementaux, sanitaires et économiques, une autre vision pour l’avenir émerge.

Le livre prospectif Imaginer Demain, publié par la Croix-Rouge française en collaboration avec Usbek & Rica (encore eux !), nous offre un aperçu des besoins sociaux de la prochaine décennie et des vulnérabilités à venir. Ce petit guide, disponible gratuitement sur internet, a le mérite de la clarté.

Le lecteur dispose d’une cartographie complète des enjeux futurs, tout en découvrant de courts scénarios catastrophes sur le réchauffement de la planète ou sur les probables réfugiés climatiques. Évitant trop le pessimisme, Imaginer Demain met aussi en avant les différentes initiatives citoyennes. 

Alejandro Burdisio

Avec plus de 20 ans d'expérience dans l'architecture, Alejandro Burdisio a développé une perspective unique et une compréhension approfondie de l'espace et de son environnement.

Inspiré par le travail de science-fiction de Juan Giménez, il utilise son temps libre pour créer des images numériques futuristes qui captivent l'esprit en mélangeant l'imagination pure avec les éléments réels de la vie quotidienne. Cette vision est reflétée dans ses œuvres uniques de science-fiction qui rappellent différents courants artistiques, tels que le diesel punk et la SF des années 70.

 

Les envahisseurs sont parmi nous (ou alors c’est l’inverse)

Depuis sa création il y a quatre ans sur YouTube, Calmos est devenue incontournable. La chaîne qui décortique l’humour au cinéma a produit quelques pépites en analysant l’humour des Bronzés, de Louis de Funès, d’OSS 117 ou encore de Michel Audiard.

Dans le cadre du festival des Mycéliades, Hugo Alexandre et David Honnorat viennent de produire une vidéo passionnante sur Invasion Los Angeles (They Live). Ce mini-documentaire de 18 minutes se penche sur le classique de John Carpenter et en profite pour revenir longuement sur le genre du body snatchers ainsi que sur la fameuse rencontre du troisième type. A consommer sans modération.

Rencontre avec Hajime Isayama

Le Festival d'Angoulême vient de fêter son cinquantième anniversaire en grande pompe. Trois mangakas ont été mis à l’honneur lors de la dernière édition du plus grand festival dédié aux bandes dessinées au monde, dont Hajime Isayama, le créateur de L’Attaque des Titans, publiée par Pika.

Cette saga mêlant uchronie, monstres géants et steampunk a connu un engouement sans précédent grâce à son adaptation en série animée. L’animateur et journaliste Augustin Trapenard a eu la chance de rencontrer le mangaka pour « La Grande Librairie ». Un échange intéressant, ponctué d’anecdotes permettant d’en savoir plus sur un auteur mystérieux, mais aussi de mieux comprendre ce phénomène.  

 

Le saviez-vous ?

Le mot science-fiction a été inventé par Hugo Gernsback en 1926. L’éditeur et romancier luxembourgeois a lancé aux Etats-Unis la revue Amazing Stories, sous-titrée « The Magazine of Scientifiction ». Ce terme se transformera ensuite en science-fiction.

Ce journal a existé jusqu’en 2005, mais Hugo Gernsback a été débarqué trois ans après sa création, en raison de sa gestion calamiteuse. Celui qui avait anticipé les microfilms, le radar ou la télévision dans ses écrits (jugés médiocres par les spécialistes) a poursuivi sa carrière en créant des magazines de SF.